Momentum
Le désappointement des jeunes de bonne foi était inévitable car nous, nous étions dans l’immédiat et notre Roi, Lui, dans le long terme. Après les réactions à chaud vient maintenant le temps de la réflexion, de l’analyse, de l’explication.
Rien ne serait pire que de perdre le lien avec notre jeunesse, rien ne serait pire que de passer à côté de notre jeunesse ! Et là je veux parler de l’ensemble de nos jeunes, ces millions de jeunes qui ne manifestent pas mais qui se reconnaissent cependant dans les revendications initiales de justice sociale.
Ces jeunes qui se sont investis dans le mouvement associatif, les acteurs culturels, les sportifs, les jeunes étudiants, travailleurs… et tous ceux qui, eux, n’ont de perspectives que leur quartier, à la fois repères identitaires et cimetières des rêves.
C’est de tous ces jeunes que je veux parler, et je le redis encore une fois : qui s’adresse à eux aujourd’hui, qui les prend en compte, qui leur donne le sentiment d’être vivants ?
Les jeunes, qui manifestent depuis 10 jours, représentent bien évidemment une partie de notre jeunesse (je ne parle ni des casseurs, ni des manipulateurs, ni de ceux qui acceptent d’être soutenus par des personnes qui n’ont jamais rien fait pour eux, qui n’ont jamais mis un pied dans leurs quartiers et rédigent des lettres où aucune des revendications de la jeunesse n’est reprise).
Croyez-moi, maintenir le lien avec nos jeunes en ce moment n’est pas chose aisée -et je sais de quoi je parle, bien souvent nous sommes pris entre le marteau et l’enclume et incompris. Pourtant dans toute situation de crise les médiateurs sont indispensables, et quels autres médiateurs possibles que ceux présents sur le terrain, capables de comprendre et partager le mal-être des générations actuelles et tenir un langage modéré, un langage du juste milieu ?
Sa Majesté s’est exprimé vendredi face aux parlementaires, j’ai écouté Son discours entouré de jeunes acteurs associatifs et je me dois d’être fidèle à ce qu’ils ont ressenti, je dirais donc qu’ils sont restés sur leur faim. Pour bien des raisons assez simples, d’abord parce que nous nous sommes collectivement trompés sur le momentum, ensuite car nous avons surinvesti à l’avance dans le discours royal, nous avons en effet mis dans nos attentes des choses qui viendront en leur temps, nous avons confondu sagesse et précipitation et surtout nous avons oublié que Sa Majesté voulait mettre les élus devant leurs responsabilités et ne pas leur servir de paratonnerre. Ils ont d’ailleurs été clairement invités à se souvenir de leurs missions.
Le désappointement des jeunes de bonne foi était inévitable car nous, nous étions dans l’immédiat et notre Roi, Lui, dans le long terme. Après les réactions à chaud vient maintenant le temps de la réflexion, de l’analyse, de l’explication. Personnellement j’ai entrepris ce travail dès hier soir et je vous assure qu’alors les choses s’éclairent et que nos jeunes, qui sont très loin d’être les écervelés que certains se plaisent à décrire, comprennent très bien les messages transmis par SM le Roi, avec une grande finesse. Certes, Sa Majesté ne s’est pas adressé directement à la jeunesse, mais que l’on ne s’y trompe pas, il lui a répondu implicitement : la justice sociale, changements au sein de l’administration, Maroc à deux vitesses, changement des mentalités…
À ce stade une question me vient cependant, ce travail d’explication revient à la presse, aux élus mais aussi à ce que l’on appelle «la société civile» !!!! Or où sont-ils justement tous ces intermédiaires ? Pour beaucoup d’entre eux, hélas, aux abonnés absents.
Alors, et maintenant ?
Notre objectif premier doit être de maintenir le lien avec notre jeunesse, le pari est difficile : nos jeunes sont sur Instagram, Tik Tok, Twitter, Discord… nos politiques en sont encore (lorsqu’ils s’expriment) à des discours d’un autre temps.
La jeunesse parle de choses concrètes, les politiques répondent par des chiffres, comment donc combiner impatience de la jeunesse et politiques qui répondent en termes d’intentions ?
Une seule réponse, le dialogue.
Le dialogue et l’accès d’une nouvelle génération aux responsabilités !
Il faut permettre aux jeunes d’accéder aux instances de contrôle, aux organismes de consultation, de proposition, leur permettre de trouver leur place dans les structures de l’Etat. Il faut aussi bien évidemment que les jeunes saisissent cette opportunité, pour cela plusieurs voies s’offrent à eux, rejoindre des associations qui porteront leurs voix, créer leur propre organisation et je sais que mes propos ici vont susciter des ricanements mais ils ont à leur disposition un outil imparable : le vote. Dans l’immédiat, que les femmes et hommes de bonne volonté gardent le lien avec les jeunes, pour cela les espaces sont multiples : amphithéâtres des facs, réseaux sociaux, écoles, les lieux de manifestation, les médias…
Car pour conclure, je voudrais terminer par une exhortation : tous ces jeunes -tous- sont nos enfants : si nous (collectivement) les laissons livrés à eux-mêmes c’est notre notre avenir que nous hypothéquons…





