Le chiffre frappe : 38,4% de chômage chez les 15-24 ans au Maroc. Officiel, validé par le HCP, conforme aux normes de l’ONU et standards internationaux en matière de statistiques. Mais suffit-il d’être méthodologiquement exact pour être pertinent, voire honnête, dans le débat public ? Rien n’est moins sûr. Car présenté ainsi, ce taux donne l’illusion que quatre jeunes sur dix seraient sans emploi, perdus, livrés à l’inactivité. Et ceci n’est pas du tout la réalité.
Ce taux ne concerne pas l’ensemble des 15-24 ans, mais uniquement ceux qui font partie de la population active : ceux qui travaillent ou cherchent activement un travail. Or, dans cette tranche d’âge, la majorité des jeunes ne sont tout simplement pas censés être en situation de recherche d’emploi. Ils sont au lycée, à l’université, en formation professionnelle, dans un cycle d’apprentissage. Ils se préparent encore à la vie active. Ils bâtissent leur capital de compétences. Les intégrer implicitement dans une catégorie «en âge de travailler mais au chômage» crée une confusion entre deux temps de vie : celui de l’apprentissage et celui de l’insertion professionnelle.
Affirmer «38% de chômage chez les jeunes» sans préciser qu’il s’agit de 38% des jeunes actifs, et non de l’ensemble des jeunes, c’est déplacer le problème et même dramatiser le constat. Car si l’on rapporte ces jeunes sans emploi à l’ensemble de leur génération, on obtient un ordre de grandeur bien plus modéré, autour de 10 à 12%. En revanche, l’indicateur à observer n’est pas seulement le taux de chômage des jeunes, mais plutôt celui des NEET : ces jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation. Là, oui, l’inquiétude peut être légitime quand leur proportion est élevée.
Le débat sur l’emploi des jeunes gagnerait donc à distinguer clairement ces réalités : formation, entrée sur le marché du travail, décrochage. Il ne s’agit pas de contester des chiffres, par ailleurs méthodologiquement corrects, mais de mieux les lire pour mieux agir : garantir une transition réussie entre école et emploi et offrir une seconde chance à ceux qui en sont sortis trop tôt.





